Bonne foi en droit des contrats

Bonne foi en droit des contrats

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La bonne foi est une notion fondamentale du droit des contrats, un principe directeur consacré par la réforme du 10 février 2016 à l’article 1104 du Code civil : « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public ».

Mais la bonne foi, c’est quoi exactement ?
À quoi sert-elle ? Qui est concerné par la bonne foi ?
 
C’est ce que nous allons voir…maintenant ! 🚀

Sommaire

1. Bonne foi : définition 

 

La bonne foi (bona fide en latin) renvoie à l’idée d’agir selon des normes de conduite requises par la société, c’est la conscience d’agir sans léser les droits de son cocontractant dans l’exécution d’une obligation.

Autrement dit, la bonne foi est un principe directeur, protecteur et modérateur du droit des contrats qui fait peser sur les parties une responsabilité, une direction éthique et morale. Elle s’impose à tout contractant, professionnel ou profane, débiteur ou créancier.
 
La bonne foi est également un principe d’ordre public, c’est-à-dire que les parties ne peuvent écarter contractuellement leur devoir de bonne foi qui est indivisible et non négociable.
 
Bon là c’était la partie un peu philo abstraite de l’article, rentrons maintenant dans le vif du sujet !
 
Concrètement, quel est le rôle de la bonne foi et comment est-elle mise en application en droit des contrats français ? 🧐

2. Bonne foi : rôle

 

À quoi sert la bonne foi en droit des contrats ? 😛

Du principe de bonne foi découlent, en droit des contrats, des obligations implicites ou « devoirs accessoires » que les parties doivent entretenir en vue d’atteindre les objectifs que chacune s’est fixés en signant le contrat.

Parmi ces obligations, on peut citer :
 
  • L’obligation d’information : le contrat est régi par un devoir réciproque d’information entre les parties. A ce titre, l’article 1112-1 du Code civil prévoit que le débiteur d’une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre partie doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

  • L’obligation de sécurité : les parties doivent garantir l’intégrité des biens et des droits de l’autre, sans qu’ils en soient nécessairement propriétaires.

Par exemple, le locataire doit prévenir le propriétaire de tout problème que pourrait rencontrer le logement.

  • L’obligation de loyauté : cette obligation va au-delà d’un strict respect du contrat. En droit des contrats français, il est nécessaire d’adopter le comportement le plus adapté aux intérêts communs des deux parties, un comportement qui ne causera pas de dommage à l’autre.
Le contractant, qu’il soit débiteur ou créancier, doit être fidèle à son engagement et faire preuve de cohérence, de transparence et de vigilance.
 
Bonne foi et loyauté sont à tort confondues par la jurisprudence ou la doctrine comme des synonymes alors qu’en fait, l’obligation de loyauté découle du principe de bonne foi contractuelle.
 
  • L’obligation de coopération : elle représente l’idée d’une collaboration qui donnerait son plein effet au contrat. Chaque partie doit faciliter l’exécution des obligations de l’autre et s’abstenir de les rendre plus difficiles, chaque partie doit faire en sorte que l’autre bénéficie de tous les effets du contrat.
Tous ces principes octroient à la bonne foi une dimension positive en droit des contrats.

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3. Bonne foi : mise en œuvre à toutes les phases contractuelles

 

Véritable fil conducteur, la bonne foi s’applique à toutes les phases du contrat, qu’il s’agisse d’un contrat synallagmatique ou unilatéral.

Elle s’étend même au-delà des frontières contractuelles, à la phase précontractuelle, alors que les contractants n’ont pas encore la qualité de débiteur ou créancier.
 

La bonne foi dès la phase de négociation

 

Autrefois cantonnée artificiellement à la phase d’exécution, la bonne foi est désormais étendue, avec l’article 1104 du Code civil, à la phase de négociation et de formation du contrat.

Bien que la phase de négociation soit régie par le principe de liberté contractuelle, il n’en demeure pas moins que celle-ci doit obéir aux exigences de la bonne foi.
 
Ainsi, dans l’arrêt « Manoukian » du 26 novembre 2003, la Cour de cassation a retenu la faute du contractant qui avait rompu les négociations unilatéralement et de mauvaise foi.
 
Le juge ne sanctionne pas la rupture des négociations en elle-même mais la mauvaise foi qui l’accompagne. 
 
La rupture des pourparlers est fautive lorsque le contractant entretient les négociations de manière artificielle, il laisse croire à l’autre partie que les négociations ont une chance d’aboutir alors qu’il y a déjà renoncé.

 

La bonne foi au moment de la conclusion du contrat

 

En droit des contrats, la bonne foi a également un rôle à jouer au moment de la conclusion du contrat, notamment à travers la notion de réticence dolosive.

La réticence dolosive correspond à la dissimulation volontaire par un contractant d’une information déterminante pour le consentement de son cocontractant.
 
En fait, le débiteur tait une information si importante qu’en ayant connaissance de cette information, l’autre partie n’aurait pas conclu le contrat. Ce silence constitue un dol à même de remettre en cause la validité du contrat au sens de l’article 1128 du Code civil.
 
Le dol, qui suppose une intention de tromper, est donc une parfaite illustration de la mauvaise foi contractuelle. La Cour de cassation avait soulevé, dans l’arrêt « Baldus », la question de l’existence d’une obligation de contracter de bonne foi dès la conclusion du contrat. (Cass. 1ère civ. 03/05/2000)
 
Aujourd’hui, le principe de bonne foi est implicitement consacré au stade de la conclusion par l’article 1137 du Code civil qui sanctionne le dol par la nullité du contrat.
 

La bonne foi au cours de l’exécution du contrat

 

La bonne foi s’est inscrite, dès le départ, comme une condition inhérente à l’exécution du contrat. L’ancien article 1334 du Code civil disposait que « Les conventions doivent être exécutées de bonne foi ».

Au stade de l’exécution du contrat, la bonne foi comporte 2 intérêts 💥
 
Limiter les déséquilibres contractuels imprévisibles : Dans l’arrêt « Huard » du 3 novembre 1992, le juge s’est fondé sur la bonne foi pour mettre à la charge de l’un des contractants une obligation de renégociation du contrat devenu déséquilibré au cours de son exécution, en cas de changement de circonstances imprévisible.
 

La réforme du 10 février 2016 a consacré la révision pour imprévision avec l’article 1195 du Code civil.

Limiter les comportements contradictoires : le contractant ne doit pas se mettre volontairement dans une situation rendant impossible l’exécution de ses obligations.
 
Il ne doit pas non plus recourir à des manœuvres qui rendraient l’exécution du contrat plus difficile pour son cocontractant.
 

Ainsi, la jurisprudence avait jugé de mauvaise foi le créancier invoquant une clause résolutoire de plein droit alors qu’il avait laissé perdurer l’inexécution du débiteur pendant de nombreuses années, la clause résolutoire était ainsi privée d’effet. (Cass. 1ère civ. 16/02/1999)

En définitive, le principe de bonne foi fait loi, elle permet d’évincer les comportements abusifs à toutes les phases du contrat et ce, même à l’égard du tiers à la promesse unilatérale ou au pacte de préférence. (Article 1124 du Code civil)

4. Limites de la bonne foi

 
En droit des contrats, la mise en œuvre de la bonne foi est incontournable mais doit néanmoins être tempérée et ce, à plusieurs niveaux.
 

La liberté contractuelle

 

Souviens-toi, la bonne foi régit les négociations précontractuelles, la rupture des pourparlers ne doit pas être teintée de mauvaise foi.

Toutefois, un principe prévaut : la liberté contractuelle, consacrée à l’article 1102 du Code civil, qui suppose que les parties sont libres d’entamer et de mettre fin à leurs négociations.

Autrement dit, la bonne foi n’intervient qu’à titre secondaire et pourrait être écartée au profit de la liberté contractuelle. Le juge met ces principes dans la balance et les applique au cas par cas.
 

La portée limitée de l’obligation d’information 

 

On l’a vu, la bonne foi impose au contractant qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de son cocontractant de l’en informer dès lors que, légitimement, ce dernier ignore cette information ou lui fait confiance.

Pour autant, certaines informations restent hors de portée de cette obligation d’information et n’ont pas à être révélées par le contractant, alors même que leur dissimulation pourrait être contraire à la bonne foi.

Cette règle a été énoncée dès l’arrêt « Baldus » par lequel la Cour de cassation censure l’arrêt de la cour d’appel de Versailles faisant droit à une vendeuse qui estimait avoir été trompée par son acquéreur au sujet du prix des photographies qu’elle lui avait vendues.

La jurisprudence est formelle, l’obligation d’information ne porte pas sur la valeur de la chose objet du contrat. Ici, l’absence de bonne foi ne prive pas le contrat de ses effets.
Cette solution est reprise à l’article 1112-1 alinéa 2 du Code civil et à l’article 1137 du Code civil s’agissant du dol « Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation ».
 

La force obligatoire du contrat

 
Le devoir d’exécuter le contrat de bonne foi est restreint dans la mesure où il n’autorise pas le juge à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties. L’exigence de bonne foi ne peut permettre au juge de remettre en cause la substance du contrat. (Cass. com. 10/06/2007
 

Le contrat déséquilibré dès sa conclusion 

 

L’article 1195 du Code civil nous a montré que la renégociation d’un contrat sur le fondement de la bonne foi est possible si ce contrat est devenu déséquilibré lors de son exécution, en raison d’un changement de circonstances imprévisible.

Toutefois, l’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi ne peut permettre de renégocier un contrat qui était déséquilibré dès sa conclusion. (Cass. 1ère civ. 16/03/2004)

Au final, si la bonne foi permet de moraliser la conclusion et l’exécution du contrat, elle ne permet pas pour autant de le modifier selon son bon vouloir.

5. La preuve de la bonne foi en droit des contrats

 
Qui doit prouver la bonne foi ? Comment prouver la bonne foi ? 🤔

Le droit des contrats est régi par le principe de présomption de la bonne foi qui suppose que les cocontractants exécutent naturellement leurs obligations de bonne foi.
 

Dès lors, il revient à la personne qui évoque la mauvaise foi d’en apporter la preuve et ce, par tout moyen.

Toutefois, ce principe est atténué dans certains contrats, en vue d’assurer la sécurité juridique de la partie « faible », au sens juridique.

Par exemple, dans le cadre d’une relation contractuelle entre un professionnel et un non professionnel, la mauvaise foi est toujours supposée à l’égard du professionnel lorsque le bien vendu comporte un vice.

Pour le juge, le vendeur professionnel est censé avoir suffisamment d’expérience pour ne pas ignorer les vices cachés liés à la chose qu’il a mise en vente.

Lorsque la mauvaise foi est établie, le requérant peut obtenir la nullité du contrat et le versement de dommages-intérêts.

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