Arrêt Perruche – 17 novembre 2000 : fiche d’arrêt et portée

Arrêt Perruche – 17 novembre 2000 : fiche d’arrêt et portée

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L’arrêt Perruche s’est inscrit comme l’un des arrêts les plus controversés de ces vingt dernières années.

Un arrêt sous le signe du droit de la responsabilité médicale qui a défrayé la chronique et déchainé les passions, tant sur le plan juridique que philosophique.

Mais alors, pourquoi l’arrêt Perruche a-t-il créé la polémique ? Quelle est la portée de l’arrêt Perruche ? Cette affaire est-elle toujours d’actualité aujourd’hui ?

C’est ce que tu vas découvrir dans cet article,
bonne lecture ! 🚀

Sommaire

1. Arrêt Perruche : fiche d’arrêt

 
Petite analyse de l’arrêt Perruche : faits, procédure et solution.

 

Faits et procédure de l’arrêt Perruche

 

Dans cette affaire, une femme enceinte s’adresse à un médecin et un laboratoire d’analyses médicales. Une certaine Mme Perruche présente des symptômes de la rubéole, une maladie qui pourrait affecter l’enfant à naître et veut s’assurer qu’elle n’en est pas atteinte.

Après une phase de tests, le médecin lui confirme qu’elle ne présente aucune trace de la rubéole et qu’elle pourra mettre son enfant au monde sans risque.

Mme Perruche prend donc la décision de ne pas interrompre sa grossesse et donne naissance à un enfant lourdement handicapé, présentant les symptômes de la rubéole.

Et là, c’est le drame pour le petit Nicolas Perruche… 🤕

Les parents engagent alors la responsabilité contractuelle du médecin et du laboratoire, invoquant que leur diagnostic erroné les a empêchés de prendre la décision de mettre un terme à la grossesse et qu’il constitue une faute contractuelle.

Les parents réclament réparation pour deux types de préjudice 💥
 

• Le préjudice d’avoir un enfant atteint de handicap : une prétention tout à fait légitime dans la mesure où une telle naissance suppose des frais supplémentaires pour l’éducation de l’enfant tout au long de sa vie et est une cause d’anxiété permanente pour les parents. Que deviendra l’enfant à la fin de leur vie ?

• Le préjudice propre à l’enfant du fait d’être né handicapé : une prétention bien plus contestable qui va donner toute sa particularité à l’arrêt Perruche.

Le 17 décembre 1993, un arrêt de la cour d’appel de Paris ne fait pas droit à leur seconde demande. Seul le préjudice subi par les parents doit être indemnisé, le handicap de l’enfant n’est pas dû aux fautes du médecin mais à la rubéole que lui a transmis sa mère.

Il en va autrement pour la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 26 mars 1996, casse l’arrêt d’appel qui a refusé de reconnaître le préjudice de l’enfant.
 

L’affaire est renvoyée devant la Cour d’appel d’Orléans qui maintient la position de la Cour d’appel de Paris et rend un arrêt infirmatif le 5 février 1999, le préjudice de l’enfant ne doit pas être réparé.

L’affaire est alors portée à une nouvelle reprise devant la Cour de cassation mais cette fois réunie en assemblée plénière, la formation « ultime » de la haute juridiction, qui dû répondre à cette problématique :
 
Un enfant né handicapé peut-il obtenir réparation du seul fait de sa naissance ?

 

Solution de l’arrêt Perruche

 

Le 17 novembre 2000, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel d’Orléans au visa des articles 1165 et 1382 anciens du Code civil (article 1240 du Code civil) et admet non seulement :

• Le préjudice des parents : il ne fait aucun doute que les fautes de diagnostic du médecin sont à l’origine de la décision de la mère de ne pas interrompre sa grossesse et donc de la naissance de l’enfant handicapé. Dès lors, les fautes du médecin, le préjudice des parents et le lien de causalité sont avérés. Les professionnels engagent leur responsabilité civile.

• Mais aussi le préjudice de l’enfant né handicapé : A ce titre, elle juge que « dès lors que les fautes commises par le médecin et le laboratoire dans l’exécution des contrats formés avec Mme X. avaient empêché celle-ci d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicap, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues ».

Ici, la solution est bien moins limpide 🤔

Si la faute médicale et le préjudice de l’enfant lié à son handicap sont aisément démontrés, c’est au niveau du lien de causalité entre les deux que ça cloche.

Initialement pour les juges du fond, le préjudice de l’enfant résulte non pas de la faute médicale mais des effets, sur le fœtus, de la rubéole contractée par la mère.
 

Les malformations du fœtus existaient avant l’intervention du médecin, elles n’ont été que révélées à la naissance de l’enfant.

L’assemblée plénière raisonne autrement et considère que le lien de causalité est établi dès lors que les parents de l’enfant ont été « empêchés » de recourir à une IVG.

À ce stade, deux thèses s’affrontent :

▶Pour une partie de la doctrine, cela revient à affirmer que le handicap a été causé par la faute consistant précisément à ne pas déceler ce handicap. La causalité retenue est indirecte, c’est la théorie de l’équivalence des conditions qui se justifie au regard du droit positif.
 
▶Pour la majorité de la doctrine, la Cour de cassation a cherché un lien direct avec le handicap en vue d’appliquer la théorie de la causalité adéquate.
 

De toute évidence, si l’on veut démontrer un préjudice causé à l’enfant, la Cour est contrainte d’en déduire que c’est la naissance même de l’enfant qui se doit d’être indemnisée car, même informés, les parents n’auraient pu empêcher le handicap.

En réalité, et c’est là tout l’aspect polémique de l’arrêt Perruche, la Cour de cassation institue un nouveau poste de préjudice indemnisable : la naissance.

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2. Arrêt Perruche : portée

 
L’arrêt Perruche s’est illustré comme un arrêt explorant une nouvelle approche de la responsabilité des professionnels de santé.
 

Un arrêt sorti des sentiers battus

 
Avant l’arrêt Perruche, la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d’État partait de 2 postulats 🧐
 

▶ En l’absence d’un dommage particulier, de circonstances ou d’une situation particulière, ni la Cour de cassation ci le Conseil d’État ne reconnaissent l’existence d’un préjudice du seul fait de la naissance.

Le Conseil d’État avait jugé que la naissance d’un enfant, même si elle survient après une IVG pratiquée sans succès, n’est pas génératrice d’un préjudice susceptible de justifier le versement de dommages-intérêts à la mère, à moins qu’il soit fait état d’une situation particulière. (CE, 02/07/1982)

De même pour la Cour de cassation qui estime qu’une naissance survenue malgré une IVG n’est pas constitutive d’un préjudice pour les parents sauf en cas de danger particulier qui s’ajouterait aux charges normales de la maternité. (Cass. civ. 25/06/1991)
 
▶ L’attribution d’une indemnisation ne suscitait pas d’émotion particulière lorsque des fautes étaient à l’origine du handicap de l’enfant.
 

Le Conseil d’État avait accepté d’indemniser les parents d’un enfant né handicapé en raison des lésions provoquées par une IVG qui avait échoué. (CE, 27/09/1989)

De même, la Cour de cassation a accepté d’indemniser les parents d’un enfant affecté d’un grave handicap à la suite de l’absence de prescription de la sérologie de la rubéole lors de l’examen prénuptial de la mère, pratiqué avant la conception de l’enfant. (Cass. civ. 16/07/1991)

Dans l’arrêt Perruche, il ne s’agit plus d’un handicap causé à la suite d’une faute médicale mais d’un handicap préexistant non décelé au cours de la grossesse.
 

Ainsi, la Cour de cassation prend le contrepied de l’arrêt « Quarez » du 14 février 1997 rendu par le Conseil d’État qui avait refusé d’indemniser l’enfant né atteint d’un handicap incurable après qu’une faute médicale a privé ses parents d’exercer leur droit de recourir à une interruption de grossesse.

Avec l’arrêt Perruche, la Cour de cassation admet que l’enfant né handicapé peut lui-même demander réparation du préjudice résultant de son handicap lorsque ses parents ont été privés, à la suite d’une faute médicale, de la possibilité de recourir à une interruption de grossesse.
 
L’objectif de la Cour est de permettre à la victime de retrouver une vie aussi normale que possible. Cette compensation relève de la solidarité nationale.
 
A ce titre, le rapporteur a souligné l’inconvénient de la solution retenue par le Conseil d’État : « La position du Conseil d’État, qui alloue en réalité aux parents l’indemnisation due à l’enfant (…) comporte d’ailleurs l’inconvénient d’un risque de dilapidation, en particulier si le couple se disloque ou abandonne l’enfant, ce qui est malheureusement assez fréquent.
 
Et dans l’hypothèse où les parents meurent avant d’avoir pu agir, la solution « camouflée » de la réparation du préjudice de l’enfant à travers ses parents n’est même plus possible ».
 

L’après Perruche : Loi « Anti-Perruche »

 
Après l’arrêt Perruche, la Cour de cassation a réaffirmé le droit pour l’enfant handicapé d’être indemnisé du préjudice résultant de son handicap.
 

Dans 3 arrêts du 13 juillet 2001, la Cour précise qu’une telle indemnisation n’est possible que si les conditions d’une interruption volontaire de grossesse sont réunies, c’est-à-dire, une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.

Le 28 novembre 2001, la Cour de cassation a encore rappelé ce principe en jugeant que l’enfant avait droit à la réparation intégrale du préjudice résultant de son handicap.
 
Cependant, sous la pression des associations de personnes handicapées pour qui l’arrêt Perruche revenait à affirmer que la vie des handicapés ne valait pas la peine d’être vécue, le législateur pris la décision d’écarter la jurisprudence Perruche.
 
C’est dans ce contexte, que la loi « Kouchner » dite loi « Anti-Perruche » du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a été adoptée. Elle prévoit en son article 1er que « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance ».

Petit problème
 : la loi « anti-Perruche » était rétroactive et applicable aux litiges en cours, de sorte qu’elle privait sans prévenir certains requérants handicapés de leur droit à indemnisation.
 

Cette application rétroactive de la loi fut alors censurée par la Cour européenne des droits de l’Homme dans les arrêts « Maurice c. France » du 21 juin 2006 et « Draon c. France » du 6 octobre 2005.

Dans une décision du 11 juin 2010, le Conseil Constitutionnel censure partiellement la loi « anti-Perruche ».

Pour le Conseil, le droit à indemnisation du préjudice de naissance perdure si l’action en justice a été intentée avant l’entrée en vigueur de la loi anti-Perruche mais ce droit s’estompe si l’action en justice a été intentée après l’entrée en vigueur de la loi.

Finalement, il faudra attendre un arrêt du 15 décembre 2011 pour que la Cour de cassation juge que la loi du 4 mars 2002 n’avait pas vocation à s’appliquer aux dommages survenus antérieurement à son entrée en vigueur, soit aux naissances survenues avant le 7 mars 2002, même si la demande en justice était postérieure.

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