Acte administratif unilatéral : définition et régime juridique

Acte administratif unilatéral : définition et régime juridique

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L’Administration recourt à 2 moyens pour exercer ses compétences et accomplir ses missions : la conclusion d’un contrat administratif ou l’élaboration d’un acte administratif unilatéral.

Quels sont les différents types d’actes administratifs unilatéraux ? Comment sont-ils élaborés et qui en est à l’origine ?
Toutes les réponses à ces questions, maintenant ! 🚀

Sommaire

1. Acte administratif unilatéral : définition

 
Comment reconnaître un acte administratif unilatéral ? 🧐

 

L’acte administratif unilatéral (AAU) est un acte juridique adopté unilatéralement par une autorité administrative et qui modifie ou refuse de modifier les droits ou obligations des administrés, indépendamment de leur consentement.

Si l’on déconstruit cette définition, l’acte administratif unilatéral est :

• Un acte affectant l’ordonnancement juridique : un acte juridique qui fixe de nouvelles règles destinées à produire des effets de droit, c’est-à-dire, des droits ou obligations à l’égard de ses destinataires : un décret, un arrêté ou une circulaire.

• Un acte unilatéral : seule la volonté de l’auteur est à l’œuvre, celle du destinataire n’est pas prise en compte par opposition au contrat administratif qui suppose l’échange d’au moins 2 volontés.
• Un acte pris par une autorité administrative : en principe, l’acte administratif unilatéral émane d’une personne publique, par exemple : le Président de la République, un ministre, un conseil municipal ou une autorité administrative indépendante comme la CNIL ou le CSA.

À ce titre, l’acte bénéficie du « privilège du préalable », il est présumé légal et continue de produire ses effets lorsqu’il est contesté devant le juge administratif par un administré. (Conseil d’Etat « Préfet de l’Eure » 30/05/1913)

Attention : L’acte administratif peut également émaner d’une personne privée chargée d’un service public à caractère administratif (CE « Magnier » 13/01/1961) ou à caractère industriel et commercial. (T. conf. « Epoux Barbier » 15/01/1968)

Pour être administrative, la décision doit être prise :
• Pour l’exécution de sa mission de service public

• et dans l’exercice d’une prérogative de puissance publique.

À défaut, il s’agit d’un acte unilatéral de droit privé.

2. Catégories des actes administratifs unilatéraux

 
Quels sont les différents types d’actes administratifs unilatéraux ? 😏

 

Classiquement, les actes administratifs unilatéraux sont catégorisés selon leur portée entre actes réglementaires, actes individuels et actes particuliers.
 

Les actes réglementaires

 

L’acte réglementaire ou règlement constitue une norme de portée générale et impersonnelle adressée à un ou plusieurs individus non désignés.

Ex : un arrêté municipal interdisant le stationnement dans une rue.

Dans la hiérarchie des normes, l’acte règlementaire (décrets, arrêtés) doit être conforme à la loi qui lui est supérieure.

Attention : le Conseil d’Etat a admis qu’une décision de délégation de signature est un règlement alors qu’en principe, une telle délégation est nominative.

Une définition complémentaire a été apportée par cet arrêt : le règlement est l’acte administratif unilatéral qui porte sur l’organisation d’un service public. (CE « De Marin » 29/06/1990)
 

Les décisions individuelles

 

L’acte individuel s’applique à une ou plusieurs personnes nominativement désignées, les administrés sont clairement identifiés ou identifiables.

Ex : l’attribution d’un permis de construire, la nomination d’un fonctionnaire, etc.

Les actes particuliers

 

L’acte particulier ou décision d’espèce est un acte hybride qui applique une règle préexistante à une situation particulière et qui concerne des personnes dont le nombre et l’identité sont indéterminés.

La décision d’espèce n’est pas nominative mais elle n’est pas impersonnelle pour autant.

Contrairement à l’acte réglementaire qui pose une nouvelle règle, l’acte particulier applique une règle qui existe déjà à un cas d’espèce.

Ex : la déclaration d’utilité publique délimitant le périmètre du terrain concerné par une expropriation.
 

L’intérêt de la distinction

 

La classification de ces différents actes administratifs unilatéraux présente un intérêt sur les points suivants :

• Le mode de publicité : les actes réglementaires et les actes particuliers font l’objet d’une publication au Journal officiel ou par affichage. Au contraire, les actes individuels font l’objet d’une notification exprimée par lettre en accusé de réception.

• Les droits acquis : l’administré n’a jamais de droit acquis au maintien d’un acte réglementaire qui lui est favorable. L’Administration est libre de modifier ou d’abroger un règlement. (CE « Compagnie des chemins de fer de l’Est » 06/12/1907)
À l’inverse, l’abrogation d’un acte de nomination n’est en principe pas possible, sauf cas de révocation, de licenciement pour insuffisance professionnelle ou de mise à la retraite.
 
• L’exception d’illégalité : un moyen contentieux qui consiste à soulever, par voie d’exception, l’illégalité d’un acte administratif pour demander l’annulation d’un autre acte pris sur le fondement du premier. Ce recours est perpétuel à l’encontre des actes réglementaires, il n’est enfermé dans aucun délai, tandis qu’il expire en 2 mois à l’encontre des autres actes.
 
• L’abrogation : L’Administration est obligée d’abroger les règlements illégaux à la demande des administrés. (CE « Compagnie Alitalia » 03/11/1989) En revanche, elle n’a pas l’obligation d’abroger les autres types d’actes administratifs illégaux. (CE « Association Les Verts » 30/11/1990)

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3. Régime de l’acte administratif unilatéral

 
Voyons voir comment est élaboré cet acte administratif, comment il est appliqué et comment il disparait.

 

L’élaboration de l’acte administratif unilatéral

 
Au stade de sa formation l’acte administratif unilatéral n’est légal que s’il respecte des règles de compétences, de forme et de procédure.
 

Les règles de compétence

 

La compétence est l’aptitude légale d’un agent à prendre un acte administratif unilatéral.

Cette compétence obéit à une tridimensionnalité :

• La compétence matérielle (ratione materiae) : l’autorité n’a compétence que dans des domaines précis, dans certaines matières.
Ex : le préfet de police de Paris n’est compétent que pour prendre des actes de police.
• La compétence territoriale (ratione loci) : la compétence d’une autorité est limitée à une partie du territoire (national, régional, etc.).

Ex : le préfet de police de Paris n’est compétent que dans le territoire de Paris et pas en province. Un maire ne peut prendre des actes que dans sa commune.

• La compétence temporelle (ratione temporis) : la compétence de l’autorité s’exerce jusqu’à sa désinvestiture, à l’exception des prorogations de compétence pour éviter les vides juridiques jusqu’à l’installation du successeur.

Ex : un maire est élu pour 6 ans, il ne peut prendre des actes que pendant son mandat, c’est logique.

Les règles de compétence sont d’ordre public, elles sont jugées très importantes.

Par conséquent, lorsqu’il est saisi d’un litige, le juge peut soulever d’office l’incompétence de l’auteur de l’acte même si le requérant a oublié de l’invoquer.

L’autorité compétente pour prendre l’acte administratif est également compétente pour le modifier ou l’abroger, c’est la règle du parallélisme de compétence. (CE « Ilouane » 30/09/2005)

 

Attention : il existe des exceptions dérogeant aux règles de compétence
 
• La délégation de compétence : une autorité administrative peut déléguer sa compétence à une autorité subordonnée à condition qu’un texte l’y autorise (CE « Rocin » 25/02/1949) et que la délégation ne porte pas sur l’une de ses compétences essentielles (CE « Couvrat » 13/05/1949)

Ex : l’article 13 de la Constitution autorise le Président de la République à déléguer certaines de ses compétences au Premier ministre.

• L’intérim : un remplacement qui intervient en cas d’absence d’une autorité en raison d’un voyage à l’étranger ou d’un empêchement comme la maladie, le décès ou la démission. L’intérimaire a les mêmes pouvoirs que l’autorité qu’il remplace sauf texte contraire.

Ex : l’article 7 de la Constitution prévoit qu’en cas d’absence le Président de la République est suppléé par le Président du Sénat. Toutefois, ce dernier ne peut pas dissoudre l’Assemblée nationale ou effectuer un référendum.
 

Les règles de forme et de procédure

 

S’agissant de la forme, seul le non-respect des formalités substantielles engage la nullité de l’acte administratif.

L’écrit n’est obligatoire que si un texte l’exige. Les décisions implicites sont aussi des actes administratifs unilatéraux. Ainsi, le silence de 2 mois de l’Administration sur une demande vaut acceptation (article L231-1 du Code des relations entre le public et l’administration).
De plus, les décisions individuelles défavorables doivent être motivées obligatoirement.

S’agissant de la procédure
, l’adoption de l’acte n’est, en principe, pas soumise à des délais particuliers. Cette adoption suppose la consultation d’organismes pour avis : des avis facultatifs qui permettent à l’Administration de s’éclairer et des avis conformes qu’elle doit suivre.
 
De plus, une procédure contradictoire préalable doit être mise en œuvre pour l’élaboration des déclarations d’utilité publique, des sanctions, des mesures prises en considération de la personne et des décisions individuelles défavorables.
 
Le contradictoire implique que la personne visée soit informée de la procédure, qu’elle puisse accéder au dossier s’il s’agit d’une sanction et qu’elle jouisse d’un délai raisonnable pour répondre avant que l’Administration ne se prononce.
 

L’application de l’acte administratif unilatéral

 

L’entrée en vigueur de l’acte administratif unilatéral

 

La date d’entrée en vigueur varie selon qu’il s’agisse d’un règlement ou d’une décision individuelle.

Les actes réglementaires entrent en vigueur au lendemain de leur publicité, au Journal Officiel ou par affichage.

Les actes individuels entrent en vigueur dès leur signature lorsqu’ils sont favorables et à compter de leur notification à l’administré visé lorsqu’ils sont défavorables.

Par ailleurs, l’acte administratif unilatéral n’est pas rétroactif, ses effets ne s’appliquent pas aux situations nées avant son entrée en vigueur. (CE « Société au Journal l’Aurore » 25/06/1948)
 

L’exécution de l’acte administratif unilatéral

 

L’Administration ne peut pas, en principe, recourir à des mesures d’exécution forcée lorsque le ou les destinataires de l’acte ne s’y conforment pas.

Toutefois, le Tribunal des conflits a admis 3 hypothèses où l’Administration peut y recourir (T. conf. « Société immobilière de Saint-Just » 02/12/1902) :

• Si la loi le prévoit : par exemple, l’Administration peut prendre toute mesure pour faire cesser un bruit (article L571-17 du Code de l’environnement).

• S’il n’existe aucune autre voie de droit : pas de sanction pénale ou administrative possible.

• En cas d’urgence : comme l’affirmait Romieu « Lorsque la maison brûle, on ne va pas demander au juge l’autorisation d’y envoyer les pompiers ».

À défaut, l’Administration peut infliger des sanctions administratives qui font l’objet d’un contrôle juridictionnel approfondi. L’administré peut les attaquer par la voie du recours de plein contentieux.
 
Enfin, l’Administration peut demander au juge répressif d’infliger une sanction pénale à l’administré récalcitrant, lorsqu’un texte le prévoit.
 

La disparition de l’acte administratif unilatéral

 
La disparition de l’acte administratif unilatéral peut prendre la forme d’une abrogation ou d’un retrait.
 

L’abrogation met fin à l’existence et aux effets de l’acte seulement pour l’avenir, à l’image de la résiliation pour le contrat.

Le retrait met fin à l’existence et aux effets de l’acte pour l’avenir et pour le passé comme s’il n’avait jamais existé, à l’image de la nullité du contrat.

Dans les deux cas, il faut distinguer entre les actes créateurs de droits et les actes non créateurs de droit.
 

Les actes non créateurs de droits

 

Sont des actes non créateurs de droits : les règlements, les actes nuls et non avenus, les actes obtenus par fraude, les autorisations de police, les déclarations d’utilité publique, etc.

Concernant ces actes, l’Administration bénéficie d’une liberté d’abrogation. Le Conseil d’Etat précise qu’elle doit prendre des mesures transitoires pour respecter les situations contractuelles en cours. (CE « KPMG » 24/03/2006)

Le retrait des actes non créateurs de droits n’est possible que s’il est illégal et si le retrait intervient dans un délai de 4 mois (article L243-3 du Code des relations entre le public et l’administration).
 

Les actes créateurs de droits

 

Sont des actes créateurs de droits : tous les autres actes.

Les actes créateurs de droits ne peuvent être abrogés ou retirés que dans un délai de 4 mois lorsqu’ils sont illégaux, à l’initiative de l’Administration ou sur demande d’un tiers (article L242-1 du Code des relations entre le public et l’administration).

4. Les confusions à éviter

 
Te voilà rodé(e) à l’art de l’acte administratif unilatéral mais attention, il est encore possible de le confondre avec d’autres actes.
 

L’acte législatif

 

En principe, si un acte est pris par un organe législatif, l’acte sera législatif et non administratif : critère organique.

Par exception, tous les actes individuels des assemblées parlementaires à propos de leurs agents sont des actes administratifs unilatéraux.
 

L’acte juridictionnel

 

Lorsque l’acte porte sur l’exécution du service de la justice, c’est un acte juridictionnel.

Ex : un arrêt du Conseil d’Etat, une décision des magistrats du parquet, etc.

Au contraire, lorsque l’acte porte sur l’organisation du service public de la justice, c’est un acte administratif unilatéral. (T. conf. « Préfet de la Guyane » 27/11/1952)

Ex : la création et la répartition de tribunaux judiciaires sur le territoire, les mesures individuelles concernant les magistrats judiciaires, etc.

La distinction entre les deux peut être encore plus subtile.
Les actes du juge d’application des peines qui modifient la durée ou la nature de la peine sont des actes juridictionnels. En revanche, ses autres actes sont des actes administratifs unilatéraux.

La grâce
 est un acte juridictionnel parce qu’elle n’efface pas la condamnation prononcée mais dispense de peine tandis que l’amnistie est un AAU parce qu’elle efface la condamnation prononcée. Le juge en déduit que cela ne peut donc plus se rattacher à aucun jugement. (CE « Electricité de Strasbourg » 24/11/1961)
 

L’acte de gouvernement

 

L’acte de gouvernement est un acte particulier, il émane des hautes autorités administratives et porte sur le domaine de la fonction gouvernementale.

Contrairement à l’acte administratif unilatéral, l’acte de gouvernement est insusceptible de tout recours juridictionnel.

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