Clause léonine en droit des sociétés

Clause léonine en droit des sociétés

En droit des sociétés, la règle est simple : les associés consentent à contribuer aux pertes et à se partager les bénéfices proportionnellement à leur apport.

C’est ainsi que l’article 1844-1 du Code civil prohibe la clause léonine par laquelle un associé chercherait à s’attribuer « la part du lion » au sein de la société.

Mais concrètement, qu’est-ce qu’une clause léonine ? Comment s’articule-t-elle avec la cession de droits sociaux ? Quelle est la sanction d’une clause léonine ?

C’est ce que nous allons voirmaintenant ! 🚀

Sommaire

1. Clause léonine : définition

 
Quelle clause contractuelle peut être qualifiée de léonine ? 🧐
 
En droit des contrats, la clause léonine fait référence à une stipulation attribuant à l’une des parties des droits disproportionnés par rapport à ses obligations au contrat. Dès lors, la clause léonine crée un déséquilibre significatif entre les cocontractants.
 
Si la notion de clause léonine concerne diverses branches du droit, allant du droit commercial au droit de la consommation, elle intéresse le plus souvent le droit des sociétés.

En droit des sociétés, la clause léonine est insérée dans les statuts de la société ou dans le pacte d’associés et crée des droits exorbitants au profit d’un associé.

L’article 1844-1 du Code civil dispose que : « la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l’exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont réputées non écrites ».
 
Le Code civil recense donc 4 types de clauses qualifiés de clauses léonines :
 
• Les clauses qui attribuent à un associé la totalité du profit
• Les clauses qui exonèrent un associé de la totalité des pertes
• Les clauses qui excluent un associé du profit
• Les clauses qui mettent à la charge de l’associé la totalité des pertes.
 

En résumé, l’objectif de la clause léonine est de procurer à un associé des avantages excessifs au détriment des droits des autres associés.

Ainsi, l’arrêt « Société Harpax » rendu le 29 octobre 2003 par la Cour de cassation en sa chambre commerciale précise « qu’une stipulation prévoyant une participation dérisoire ou une absence de participation aux bénéfices ou aux pertes s’interprète comme une clause léonine ».

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2. Clause léonine et opérations sur titre

 
Comment concilier clause léonine et promesse unilatérale d’achat d’actions ? 🤔
 

Le contentieux relatif aux clauses léonines porte principalement sur ce que l’on appelle les opérations sur titre (ex : cession d’actions), et en particulier sur les promesses unilatérales d’achat de droits sociaux à prix plancher.

Par une promesse unilatérale d’achat à prix minimum garanti, l’associé bénéficiaire de la promesse peut vendre ses titres sociaux au promettant à un prix fixe et ce, à n’importe quel moment même si les titres ont perdu de la valeur depuis la conclusion de la promesse.

En revendant ses actions à un prix supérieur ou égal au coût réel, l’associé est garanti contre toutes dépréciation des titres et s’exonère ainsi de ses obligations de contribution aux pertes sociales.
 

Les différents types d’opérations de rachat à prix plancher


Le droit des sociétés recense plusieurs opérations de rachat de droits sociaux à prix garanti pouvant produire un effet léonin :

• Les opérations de portage : une convention par laquelle un « porteur » (un établissement financier) accepte d’acquérir des titres de société pour le compte d’un associé « donneur d’ordre » et s’engage en l’échange d’une commission à ne les revendre qu’après un certain temps et à un prix plancher fixé au contrat dès l’origine. Ainsi, le porteur qui jouit des droits attachés aux actions ne risque jamais de perdre la valeur de son apport.

• Les opérations de capital investissement : un investisseur participe à l’augmentation de capital d’une société en contrepartie de la garantie, après l’écoulement d’un certain délai, que les titres qu’il a acquis lui seront rachetés à un prix plancher. En revendant ses actions à un prix au moins égal au montant investi augmenté des intérêts, l’investisseur est certain de dégager une plus-value, il n’y a donc pas de contribution aux pertes.

• La cession massive de droits sociaux : un associé majoritaire cède ses actions à un autre associé ou un tiers ce qui conduit à un transfert de contrôle de la société en y glissant dans le même temps une promesse de rachat à prix plancher.

Tu l’auras compris, dans un cas comme dans l’autre, la promesse unilatérale d’achat à prix plancher est toujours conclue à la faveur de l’investisseur.

Mais ces opérations ont-elles nécessairement un caractère léonin ? 😮
 

Les critères de validité de l’opération de rachat à prix plancher

 
Une promesse de rachat à prix plancher peut-elle être illicite ? 😃

Plusieurs critères sont pris en compte pour apprécier la validité d’une promesse de rachat à prix garanti :

Le caractère déterminé/déterminable du prix de la cession : conformément à l’article 1589 du Code civil, la promesse de vente vaut vente « lorsqu’il y a consentement réciproque des parties sur la chose et sur le prix ».

Ce prix de la cession des droits sociaux doit être déterminé ou au moins déterminable tel que prévu à l’article 1591 du Code civil.

L’identité du bénéficiaire de la promesse : la promesse peut bénéficier à un tiers investisseur ou à un autre associé.

• Au tiers investisseur : Lorsque la promesse de rachat a pour objet de rétribuer le bailleur de fonds en contrepartie du service financier qu’il a effectué (augmentation du capital social), la clause n’est pas considérée comme léonine.

L’arrêt « Bowater » rendu le 20 mai 1986 par la chambre commerciale de la Cour de cassation indique que si l’objet de la convention dans laquelle se situe la clause n’est pas de faire échapper l’associé aux pertes mais d’assurer une bonne transmission des droits sociaux, ceci moyennant un prix librement convenu dès l’origine, alors il n’y a pas d’atteinte au principe de prohibition des clauses léonines.

Autrement dit, la Cour de cassation regarde non pas les effets de la clause mais son objet (l’équilibre des conventions) et admet que le défaut daffectio societatis dont est frappé le bailleur de fonds ne remet pas en cause la validité du pacte social.

• À l’associé : lorsque le bénéficiaire de la promesse est un autre associé, celui-ci ne dispose que d’un lapse de temps restreint pour lever l’option d’achat.

Ce critère de la « fenêtre de tir » a été établi par un arrêt « Textilinter » rendu le 22 février 2005 par la chambre commerciale de la Cour de cassation. Ainsi, l’associé qui lèverait l’option en dehors du délai imparti dans le contrat serait sujet au risque de disparition ou de dépréciation des actions. Ce risque crée un aléa de sorte que l’associé bénéficiaire de la promesse n’est pas exonéré de la contribution aux pertes.

Il y a donc une distinction bien marquée entre les véritables associés qui obéissent au principe de prohibition des clauses léonines, et les bailleurs de fonds qui en seraient dispensés.
 
L’existence d’une bilatéralité : dans l’arrêt « Chicot » du 24 mai 1994, la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que la rédaction de promesses croisées, en des termes identiques tant pour le porteur que pour le donneur d’ordre, pouvait contribuer à la validité de la convention.
 
En fait, cette bilatéralité entre les obligations d’achat et de vente des deux parties suffirait à faire peser un aléa et donc un risque sur chacune d’elles. Dès lors, le contrat est exempt de tout caractère léonin.
 
En définitive, et en l’état actuel de la jurisprudence, devraient être qualifiés de clauses léonines les seuls engagements d’associés, statutaires ou non, qui aboutissent à l’exclusion totale d’un associé de toute participation aux bénéfices ou de toute contribution aux pertes.

3. Limites au caractère léonin de la clause 

 
Toute inégalité entre associés est-elle nécessairement léonine ? 🤔
 
On l’a évoqué plus haut, le problème de la clause léonine est le déséquilibre créé par l’attribution de droits disproportionnés à un associé, au détriment des autres.
Néanmoins, une inégalité entre associés ne revêt pas obligatoirement un caractère abusif.
 
Plus que ça, l’inégalité entre associés est même largement admise en droit des sociétés.
Par exemple, les actions de préférence se distinguent des titres sociaux ordinaires dans la mesure où ils confèrent à certains associés des droits particuliers en matière de :
 
• Droit de vote : droit de vote double, droit de vote multiple ou suppression du droit de vote

• Droit au bénéfice : dividende prioritaire, quote-part supérieure de dividende ou superdividende (ça c’est la classe).

Toutefois, l’attribution de ces avantages particuliers peut être soumise à condition comme pour la SAS qui nécessite la désignation d’un commissaire aux avantages particuliers chargé d’examiner la licéité de ces clauses.

Tu l’auras compris, le problème de la clause léonine n’est pas tant le caractère inégalitaire du traitement des associés mais plutôt le caractère abusif de cette inégalité.

4. Les sanctions de la clause léonine

 
Que risque le pacte social infecté par une clause léonine ? 💥
 
Tel que prévu à l’article 1844-1 du Code civil, toute clause de nature à créer un déséquilibre significatif entre les parties est réputée non écrite.
 
En cas de litige, le caractère abusif de la clause est apprécié par les juges du fond qui recherchent l’intention commune des parties et évaluent le déséquilibre contractuel en question.
 
Si les juges du fond admettent son caractère excessif, alors la clause léonine est privée d’effet juridique, toutes les stipulations de nature à créer le déséquilibre sont écartées du contrat. Ainsile pacte d’associés reste valable, le contrat de société n’est en principe pas atteint de nullité. 
 
Cependant, lorsque la clause léonine porte sur un élément essentiel du contrat dont la substance est remise en cause, c’est le contrat lui-même qui peut être atteint de nullité.
Dès lors, les statuts sont affectés et l’entreprise encourt la liquidation judiciaire, c’est-à-dire, la fermeture. Et là, c’est le drame…

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