Arrêt Blanco – 8 février 1873 : fiche d’arrêt et portée

Arrêt Blanco – 8 février 1873 : fiche d’arrêt et portée

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Arrêt incontournable de la licence de droit, l’arrêt Blanco est considéré comme un arrêt fondateur du droit administratif français, traçant la frontière entre compétence du juge judiciaire et compétence de la juridiction administrative.

Mais alors, que lui vaut ce titre d’arrêt fondateur ?
Quelle est la portée de l’arrêt Blanco ? Rayonne-t-il encore dans la jurisprudence actuelle ?

C’est ce que nous allons vérifiermaintenant ! 🚀

Sommaire

1. Arrêt Blanco : fiche d’arrêt

 

Faits et procédure

 

En l’espèce, une enfant nommée Agnès Blanco (d’où l’arrêt tire son nom) est heurtée et grièvement blessée par un wagonnet conduit par quatre ouvriers d’une manufacture de tabacs située à Bordeaux.

On est en 1871 et à cette époque la fabrication et commercialisation du tabac étaient gérées par l’État, c’était un service public.

Bien décidé à obtenir réparation de ce préjudice, le père de l’enfant engagea une action en responsabilité contre l’État devant les tribunaux judiciaires et fondée sur les articles 1382 ancien et suivants du Code civil (aujourd’hui article 1240 du Code civil), base de la responsabilité civile.
 
En effet, le père d’Agnès considérait que l’État est civilement responsable des fautes commises par les quatre ouvriers.
Le petit problème dans cette histoire, c’est qu’à l’époque, la responsabilité de l’État n’était pas réglementée par les textes.
 
En vertu du principe de non-immixtion du juge civil dans les affaires de l’Administration, qui ne connaissait que de très rares exceptions (ex : la voie de fait), l’État était tout simplement irresponsable. (CE 06/12/1855 « Rothschild » – CE 20/02/1858 « Carcassonne »)
 

À ce titre, le préfet de la Gironde (représentant l’État) estimait que le conflit ne relevait pas de la compétence judiciaire mais de la juridiction administrative et réclamait au tribunal civil de décliner sa compétence.

Face au refus de s’écarter du tribunal civil de Bordeaux, le préfet pris un arrêté de conflit, une décision par laquelle il oblige le juge judiciaire à sursoir à statuer (suspendre l’affaire) jusqu’à ce que la question de la compétence soit tranchée.

C’est ainsi que le litige fut porté devant le Tribunal des conflits, l’instance compétente en matière de…compétence 😆

Les problématiques étaient donc les suivantes :
 
L’État est-il responsable des fautes commises par ses employés dans le cadre du service public ?
Quelle juridiction est compétente pour connaître des actions en dommages-intérêts contre l’État ? 

Juge judiciaire vs Juge administratif 💥
 

Solution de l’arrêt

 

Pour répondre au problème immédiat qui se posait, le Tribunal des conflits affirme que l’État est bel et bien responsable des fautes commises par ses agents dans le cadre du service public.

Toutefois, et c’est là que ça devient intéressant, le Tribunal des conflits déclare que cette responsabilité n’est pas civile et que l’État ne peut pas être régi par des principes établis dans le Code civil.

Pour le Tribunal, la responsabilité de l’État obéit à un régime spécifique justifié par les besoins du service public : l’autonomie du droit administratif était née ! *Les publicistes versent une larme de joie*

Ainsi, le Tribunal des conflits consacre la compétence des juridictions administratives pour connaître des actions en dommages-intérêts engagées contre l’État et notamment en matière de dommages causés par des services publics à des particuliers.

L’idée est de « concilier les droits de l’État avec les droits privés ».

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2. Arrêt Blanco : sa portée 

 
L’arrêt Blanco s’est inscrit comme la pierre angulaire du droit administratif.

Par cet arrêt, le Tribunal des conflits a consacré le lien entre le droit administratif et la compétence du juge administratif.
 
Dorénavant, la compétence des juridictions administrative est déduite de l’application du droit administratif au conflit. On dit que « la compétence suit le fond ».

Plus précisément, la compétence du juge administratif est liée au critère du service public, une activité exercée par ou sous la responsabilité de l’Administration au profit des administrés.
 
Que ce soit en matière d’enseignement, de santé, de réseau de transports ou de fourniture d’électricité, un contentieux relatif à la faute d’un service public sera tranché par le juge administratif.

En définitive, l’arrêt Blanco est source de nombreux apports 🧐
 
• L’État et ses services publics ne sont pas régis par le droit civil.
 
• Le principe d’irresponsabilité de l’État est aboli vis à vis des fautes commises par les employés des services.
 
• L’État n’engage pas sa responsabilité civile mais sa responsabilité administrative.
 
• Seul le juge administratif est compétent pour connaître de ce contentieux.

3. Nuances de l’arrêt Blanco

 
Malgré son rang d’arrêt majeur du droit administratif français, la portée de l’arrêt Blanco s’est vue limitée, nuancée, relativisée au fil de la jurisprudence et des règles de droit (c’est important les synonymes pour tes commentaires d’arrêts 😂).

Aujourd’hui, le service public n’est plus un critère absolu de répartition de la compétence entre les juridictions judiciaires et administratives.
 
Depuis l’arrêt « Société commerciale de l’Ouest Africain » rendu le 22 janvier 1921 par le Tribunal des conflits, la notion de service public a été remodelée et scindée entre :
• Les SPA : services publics administratifs et
• Les SPIC : services publics à caractère industriel et commercial.

Désormais, le juge judiciaire est compétent pour connaître de l’activité des SPIC, qui se voient appliquer le droit civil.

En principe, tout service public est présumé administratif mais un service public peut être considéré comme industriel et commercial lorsque :
 
• Son objet est semblable à celui d’une entreprise privée
• Le service public est géré comme une entreprise privée
• Le service public puise l’essentiel de ses ressources financières dans les redevances payées par ses usagers.

Par exemple, la transformation du service des tabacs en entreprise publique en a fait un service public à caractère industriel et commercial si bien qu’une solution différente serait aujourd’hui appliquée à l’espèce de l’arrêt Blanco.

Il en va de même pour les services publics gérés par des personnes privées qui relèvent en principe des juridictions judiciaires, à moins que le gestionnaire ne dispose de prérogatives de puissance publique auquel cas le service public relève du juge administratif. (CE 23/03/1983 « S.A. Bureau Véritas »).

Cette répartition des compétences est encore chamboulée par la loi du 31 décembre 1957 qui attribue au juge judiciaire la compétence pour statuer sur les actions en responsabilités des dommages causés par tout véhicule. Cette loi aurait surement changé la solution de l’arrêt Blanco avec son wagonnet rempli de tabacs.

Enfin, précisons que la responsabilité de l’État instaurée par l’arrêt Blanco n’est pas absolue, loin de là. Par exemple, l’arrêt « Société Touax » rendu le 23 juillet 2010 par le Conseil d’État a rappelé que l’État ne peut pas engager sa responsabilité dans le cadre de ses opérations militaires.

Hé ouais c’est pas évident le droit administratif…
Disons qu’en L2, ça met une petite claque derrière la tête. 😵

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